Weightless : Une expérience troublante – Oculus Rift & Leap Motion

      Dans le cadre de ma formation en transmédia, j’effectue un stage au sein de Speedernet, une boite spécialisée dans le e-learning. L’entreprise voyant l’arrivée de la réalité virtuelle comme une opportunité d’amener l’apprentissage et les formations à un stade supérieur, j’ai la chance d’être rattaché au pôle « recherches » de cette nouvelle pratique attirant de plus en plus d’adeptes. En quelque sorte, mon travail consiste à m’interroger sur la manière dont on peut scénariser des œuvres en 360°, interrogation qui soulève de nombreuses questions, tant en terme purement narratif qu’en terme d’interaction entre utilisateurs et environnements virtuels. Afin de mener à bien cette mission qui nécessite des phases d’expérimentations, je dispose de différents outils. Parmi eux, un Oculus Rif (dont on connait maintenant la date de sortie).
J’ai eu l’occasion de tester différents jeux et notamment – moi qui suis un fan inconditionnel de la saga Harry Potter – de me promener à Poudlard. Dès ma première utilisation de l’appareil, j’ai bien dû admettre que l’immersion était très forte : pouvoir observer un décor dans son intégralité, qui s’étend tout autour de soi et se révèle au fur et à mesure que l’on oriente notre regard, est impressionnant. Mettez un casque sur les oreilles et vous avez une simulation incroyable, des sensations proches de la réalité.

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Ghost of Hogwarts vous permet de visiter la célèbre école de magie !

 

    Cependant, jusqu’ici elles étaient pour moi « seulement » proches. Malgré la forte validité écologique des environnements essayés, ce n’était quelque part qu’un stade plus avancé des jeux ordinaires. Au fond de moi, j’avais parfaitement conscience d’être dans un jeu ou dans une simulation virtuelle, ce qui, bien entendu, rendait plus difficile le franchissement du quatrième mur, mur virtuel qui sépare la réalité de la fiction. Mais ça, c’était avant.

Il se trouve que l’Oculus Rift dont je dispose est également équipé d’un Leap Motion. Pour ceux qui l’ignoreraient, il s’agit d’une technologie permettant de reproduire à la quasi-perfection le mouvement de vos mains et même de chacun de vos doigts ; le but étant naturellement de retranscrire vos gestes réels au sein du jeu sous la forme d’un avatar. Aussi, après avoir testé différentes choses sous la forme de visite virtuelle classique ou fonctionnant avec un système de visée assez basique, j’ai décidé de tester des petits jeux équipés de cette technologie qui, après tout, semblait très prometteuse. En tant que pauvre victime d’Internet, mon premier choix s’est porté sur une œuvre permettant d’incarner un chat. Rassurez-vous, je ne délire pas. Happy Cat vous permet en effet de transformer vos mains en pattes de félin l’espace d’un instant et de jouer avec des pelotes de laine. Cette perspective m’enchantait, moi qui rêvais de pouvoir enfin être un sale feignant dormant auprès du feu et pouvant réclamer du pâté dés qu’il avait faim ; malheureusement, pour une raison que j’ignore, le jeu ne fonctionnait pas.

Happy Cat vous donne accès à votre rêve le plus fou : incarner un chat !
Happy Cat vous donne accès à votre rêve le plus fou : incarner un chat !

Mon deuxième choix s’est donc porté sur Weightless, une simulation dont la bande-annonce m’avait laissé une très grande impression. Le jeu propose de se mettre dans la peau d’un astronaute qui, dans son vaisseau, est chargé de trier des objets « humains » d’objets « extraterrestres ». Au programme : panneaux tactiles, belle vue, musique et choses flottantes. Mon objectif principal était de parvenir, moi aussi, à toucher du bout du doigt une toute petite vis et à la déplacer, comme le montrait la vidéo.

Et ce jeu a été pour moi comme un électrochoc.

Quand le cerveau se fait duper

Tout d’abord, parmi ceux que j’avais essayé, il s’agit du premier qui me permettait d’avoir des mains humaines : en général, les développeurs préfèrent retranscrire nos petits doigts sous des formes électroniques, robotiques ou fantômatiques, parce qu’ils craignent que les utilisateurs ne paniquent en ne reconnaissant pas leurs propres mains ; il est plus facile de faire la différence entre la réalité et le virtuel lorsque le fossé est large. Si cela peut sembler au premier abord un peu absurde, il est vrai que dès les premières secondes, j’ai eu une sensation très étrange : mes mains étaient différentes. J’avais pleinement conscience d’être dans un jeu et pourtant j’arrivais clairement à percevoir que mon cerveau ne comprenait pas totalement ce qui se passait : lorsque j’ai mis mes mains virtuelles devant moi et bougé mes doigts, j’ai eu un premier sentiment de vertige. Cela a duré une seconde, peut-être deux – c’était très court – puis je me suis habitué. La surprise passée, je me suis très vite approprié ma nouvelle apparence : après avoir réussi avec succès à faire des doigts d’honneurs (le rêve ultime pour un joueur un peu espiègle) et avoir longuement combattu pour parvenir à faire faire à mon avatar le signe de Spock [le leap motion ne comprenait pas tout de suite ce que j’essayais de faire avec mes doigts], je me suis lancé dans le jeu.

Weightless
Weightless
Weightless
Weightless

Deuxième surprise, en me retournant je suis tombé face à un écran tactile qui était très proche de moi. Pour la première fois, j’ai eu le réflexe de me reculer réellement, parce que j’ai cru l’espace d’un instant que je risquais de me cogner au mur. Là, j’ai clairement compris que ce jeu n’allait pas m’offrir la même expérience que celles que j’avais essayées jusqu’alors. Très vite, j’ai fais défilé les écrans d’un simple geste de la main, j’ai appuyé sur des boutons, déclanché la musique, la lumière… le tout d’une manière très naturelle. La simple présence de main humaine au sein du jeu et la justesse avec laquelle Weightless a été réalisé m’a plongé dans une immersion que jamais je n’avais vécue jusqu’alors : cette fois, il n’y avait plus de quatrième mur et je pouvais oublier le fait que je portais un casque sur les yeux.

Qu’est-ce qui changeait comparé aux autres jeux ? A ce moment là, mon cerveau pensait que c’était la réalité, ce qui n’était pas vraiment le cas auparavant. Pour la première fois, il était totalement dupe et je dois dire que c’est assez déroutant au début : à plusieurs reprises je me suis surpris à faire des mouvements dans la réalité (vouloir avancer, vouloir reculer etc.) avant de me reprendre me rendant compte que j’étais toujours assis sur ma chaise. Mais le plus étonnant fut sans aucun doute l’instant où j’ai pu – enfin – toucher des objets du bout des doigts. L’expérience est très impressionnante : très délicatement, j’avance mon doigt avec précaution, jusqu’à ce qu’il touche la petite vis qui réagit immédiatement et se déplace dans l’espace sans gravité. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, le simple fait de toucher un objet, de voir celui-ci avoir une réaction logique, de faire physiquement le geste, mais de ne pas ressentir le toucher au moment du contact m’a donné des petits fourmillements au bas du ventre. J’ignorais que, juste parce que je n’avais pas la sensation que j’étais censé avoir, je pouvais ressentir une telle chose, comme un vertige provoqué par la simple absence de toucher. Et je vous le dis : voir que vous êtes en train de tromper votre propre cerveau, sentir qu’il est perturbé, est particulièrement jouissif.

 

Weightless - Toucher des objets en lévitation sans ressentir est dérouant

 

Weightless – Toucher des objets en lévitation sans ressentir est dérouant

 

En cela, vous percevez la grandeur de cette invention et je me suis rendu compte, dès cet instant, que ce genre de production n’étaient pas juste un stade plus avancé des jeux vidéos, mais que cela pourrait vraiment génial. Je me suis dis que si cette industrie était bien maitrisée, si l’on ne faisait pas n’importe quoi avec, alors la réalité virtuelle pouvait véritablement avoir un avenir incroyable. Je ne sais pas encore très bien si avec une utilisation quotidienne, ce genre d’immersions totales et extraordinaires seraient bonnes ou bien rendraient les gens totalement tarés – parce qu’au fond, se persuader à ce point être quelqu’un d’autre peu poser des problèmes d’ordre psychologique et c’est la raison pour laquelle tant de productions préfèrent ne pas prendre de risque en mettant en scène des avatars non ressemblant ; ce qui se fait au détriment d’une expérience absolue. Néanmoins, il faut le reconnaître : il y a quelque chose. Un quelque chose à exploiter. Après avoir essayé un jeu comme Weightless, on enlève l’Oculus Rift tout sourire, avec l’envie, déjà, de retenter l’expérience.

Et vous, quelles sont vos expériences avec la réalité virtuelle ? Avez-vous déjà pu en essayer ? Pensez-vous qu’elle est intéressante, inintéressante ? Quel avenir lui voyez-vous ?

Simon Foucher
Scénariste-concepteur de dispositifs interactifs depuis plus de 5 ans, je suis un passionné d'écriture rédigeant sur son temps libre scénarii, nouvelles, romans, jeux de rôles. Diplômé d'un master de scénarisation multisupport, de cinéma et de graphisme multimédia, je suis un véritable touche à tout qui adore comprendre et maîtriser les différents supports qu'il pratique. A ce titre, une partie de ma profession m'a amené à m'interroger sur la réalité virtuelle et la narration immersive. Aujourd'hui âgé de 28 ans et situé à Lyon, je scénarise serious games, webdocumentaires, films 360, applications VR/AR et développe sous Unity3D (C#). Mail de contact : z.simon.foucher@gmail.com
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